La Conférence des Parties est un espace de négociation entre Etats, en vue de l’adoption d’un accord international (plus ou moins ambitieux) comme le Protocole de Kyoto signé en 1997 ou l’Accord de Paris validé en 2015. Ce dispositif se caractérise par sa gouvernance horizontale et multilatérale. Chaque Etat est au même niveau et dispose d’une seule voix, ce qui a le mérite de donner la parole aux pays du Sud qui sont souvent les plus touchés par les conséquences du dérèglement climatique (Sur les apports et limites de ce fonctionnement multilatéral, voir la très bonne analyse de la journaliste du Monde Audrey Garric après l’échec de la COP 25 à Madrid). Cette absence de leadership peut constituer un facteur d’inertie, mais elle oblige aussi à mettre l’accent sur la construction des convergences.
La COP agit avant tout comme un outil de synchronisation pour relever le défi climatique, face à la fragmentation des initiatives gouvernementales. C’est un dispositif de préservation des communs, qui invite à mieux prendre en compte les externalités produites par chaque territoire et à définir leur contribution attendue. La négociation internationale s’organise autour du principe de responsabilité commune mais différenciée : « On n’a qu’une planète qu’il nous faut préserver ensemble. Chaque Etat doit prendre sa part, mais la contribution varie en fonction de leurs moyens et de leur responsabilité historique dans la situation actuelle ».
Contrairement aux Grenelles ou aux Etats Généraux, la COP est un dispositif inter-gouvernemental. Seuls les Etats participent à la table des négociations et signent les accords. Les autres parties prenantes (ONG, entreprises, collectivités…) sont cantonnées à un rôle d’observateur, chacune essayant de mettre la pression sur les délégations gouvernementales pour orienter les échanges dans leur direction. Un peu comme à Avignon, le off est tout aussi important que le in.
Chaque COP vise à valider collectivement des objectifs chiffrés et à définir une feuille de route commune, en laissant ensuite la charge à chaque Etat de la mettre en pratique. La COP21 affirme ainsi la perspective de la neutralité carbone pour rester sur une augmentation de la température globale inférieure à 1,5°C. Les traités n’ont pas de portée opérationnelle, mais les bonnes intentions s’accompagnent de mécanismes financiers destinés à rendre possible leur mise en œuvre par l’ensemble des Etats. L’impact des COP bute néanmoins sur la faiblesse des mécanismes de sanction en cas de non-respect des objectifs. D’autant que chaque Etat conserve la possibilité de se retirer de l’accord, comme l’ont fait les Etats-Unis suite à l’élection de Donald Trump. Cette porte de sortie apparaît comme la condition de la validité des engagements, qui repose sur l’auto-contrainte.
Pour comprendre les effets des COP, il faut l’envisager comme une dynamique de longue durée. Prise isolément, chaque COP est décevante. C’est dans l’évolution des négociations annuelles que les COP successives contribuent à déplacer la ligne de front.
A quoi pourraient ressembler des COP territoriales ?
La déclinaison des COP à l’échelle locale ne va pas de soi, tant ce dispositif accorde une place centrale aux acteurs étatiques. Appliqué aux collectivités, cet espace de négociation agit comme un outil de coordination entre des territoires voisins. C’est d’ailleurs avec une posture de Région animatrice que les Conseils Régionaux Bretagne et Centre-Val de Loire ont chacun engagé une démarche de ce type.
La déclinaison locale de la COP interroge aussi l’adéquation entre l’échelle et l’objet des négociations. L’objectif de +1,5°C a du sens à l’échelle globale car nous partageons la même planète (au niveau local, il ne s’agit pas de négocier l’objetif mais de mettre en œuvre la feuille de route). L’échelle de chaque COP dépend donc du bien commun concerné, pour limiter les effets pervers de la concurrence territoriale. On pourrait ainsi imaginer une COP des sols à l’échelle d’une aire urbaine pour tendre vers le zéro artificialisation nette ; une COP des côtes atlantique à l’échelle du GIP Littoral Aquitain pour atténuer les effets du recul du trait de côté ; une COP de la qualité de l’air à l’échelle des grandes métropoles… A chaque fois, il s’agit d’établir les responsabilités communes mais différenciées des collectivités concernées, pour tendre vers un même objectif. A l’image du zéro artificialisation nette, celui-ci doit être précis, commun et objectivable. La vertu d’une COP consiste en effet à transformer un consensus incantatoire en un protocole d’action évaluable.
Le format COP conduirait ainsi à inverser le processus d’élaboration des documents de planification, comme les PCAET intercommunaux ou les SRADDET régionaux. Au lieu d’avoir des grands schémas définis par des collectivités chefs de file et leurs services dédiés, il s’agirait plutôt d’établir des traités évolutifs, issus de la négociation annuelle entre toutes les délégations envoyées par chaque commune ou chaque EPCI. Chaque commune se retrouverait alors co-auteur et co-signataire d’un PCAET communautaire, avec la charge d’accueillir à tour de rôle la conférence annuelle. Un tel processus de diplomatie locale aboutirait sans doute à des documents moins ambitieux sur les objectifs (à l’image des COP mondiales) mais garantirait une plus forte implication de chaque territoire et une meilleure prise en compte de leurs spécificités. Ces traités accorderaient une place plus importante à la territorialisation des actions, en assumant d’ouvrir le débat sur les péréquations nécessaires pour rendre l’objectif commun atteignable par tous. Comme au niveau mondial, l’objectif consiste surtout à synchroniser les actions mises en place autour d’un objectif commun, à expliciter la contribution de chaque collectivité et à définir les mécanismes de péréquation à mettre en place pour rendre cela possible.
Le rôle des élus locaux dans tout ça ?
Avec la COP, les élus locaux se retrouvent en position de négociateurs. Sur le modèle de la diplomatie onusienne ou européenne, les élus interviennent au cours de la négociation pour débloquer les arbitrages et fixer le niveau d’engagement. Dans un fonctionnement multilatéral où chaque délégation dispose d’une voix, il leur faudra faire preuve de conviction et d’agilité pour construire des coalitions et obtenir des compromis.
Quatre conditions de réussite
L’échec de la COP 25 à Madrid rappelle que la Conférence des Parties est loin d’être une solution miracle. Pour qu’une COP territoriale puisse contribuer à accélérer la transition, plusieurs conditions devront être réunies :
S’engager dans un processus régulier
Chaque négociation annuelle s’inscrit dans le prolongement des précédentes. C’est là la principale différence avec les démarches plus classiques de projets de territoire : l’exercice se reproduit chaque année. Chaque édition permet d’approfondir un aspect particulier des négociations et d’actualiser les engagements.
Jouer le jeu de la gouvernance horizontale.
La COP fonctionne sur la logique de « l’inter », et non du « supra » (en ce sens, elle se rapproche des inter-SCOT ou des pôles métropolitains). Ce processus de négociation collective nécessite un leadership coopératif. Chaque édition est accueillie par un territoire différent, qui en assure la présidence à tour de rôle. Cette organisation tournante renforce les liens entre les acteurs mobilisés, au sein des collectivités comme au sein des forces vives qui se retrouvent chaque année pour faire le point sur l’avancée des négociations.
Se focaliser sur un objectif et un calendrier commun.
Au lieu de vouloir aborder l’ensemble des enjeux du territoire et de rester flou sur l’horizon visé. C’est le cadrage de l’objectif qui permet de passer du vœux pieu à un protocole d’action partagé. Ce qui suppose aussi d’aborder de front la question des ressources allouées à la mise en œuvre du protocole, en termes de financement et d’ingénierie.
Publiciser les débats pour donner du poids aux engagements pris.
Concentrer les négociations sur une semaine et sur un seul site : la recette est basique, mais participe de la capacité des COP à catalyser le débat, en mobilisant largement l’attention médiatique et la mobilisation citoyenne. Ce format contraste avec les COPIL discrets d’adoption des PCAET.
Sommaire du panorama
Introduction : quels outils pour amplifier la transition dans les territoires ?
Un GIEC local pour donner de la voix aux projections des scientifiques
Une COP territoriale pour s’engager sur une feuille de route commune mais différenciée
Un Grenelle territorial pour trouver un terrain d’entente et définir des engagements réciproques
Des Etats Généraux pour croiser les mondes et faire émerger de nouveaux sujets à l’agenda