Le principe d’une convention citoyenne consiste à réunir un panel représentatif de citoyens pour délibérer sur un sujet clivant au sein de la société. La mobilisation de « citoyens lambdas » permet de se mettre à distance d’une approche trop technocratique et/ou trop idéologique des mesures à mettre en place. Il s’agit aussi de contourner le manque de représentativité des élus et des corps intermédiaires, en réunissant un groupe le plus diversifié possible (en matière d’âge, de lieu de résidence, de milieu social…). Les membres de la convention ne sont pas des spécialistes du sujet, mais ils sont légitimes à délibérer collectivement car ils sont directement concernés par les décisions prises. La convention apparaît comme une réponse à la difficulté croissante du politique à prendre des arbitrages, du fait de l’intensification des injonctions contradictoires et du manque de lisibilité d’une société atomisée.
Une convention citoyenne permet de questionner l’acceptabilité des choix politiques à effectuer, notamment en matière de transition écologique et sociale. Exercice inédit mis en place à la suite des Gilets Jaunes, la Convention Citoyenne pour le Climat vise par exemple à dépasser l’échec de la taxe carbone pour « définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans un esprit de justice sociale ». Si la logique de convention reprend des sondages le souci de se mettre à l’écoute de l’état d’esprit des citoyens, elle y ajoute une dimension délibérative pour permettre à chaque citoyen (et au groupe dans son ensemble) de faire évoluer sa position au fil des débats. Avec l’audition d’experts, elle permet ainsi de partager une analyse argumentée de la situation et de sortir du déni sur l’urgence climatique.
La convention vient rendre visibles les tensions qui traversent la société sur un sujet donné (au-delà des clivages politiques habituels), tout en identifiant les points de convergence possibles. C’est sur les sujets les plus ancrés dans le quotidien de la population qu’elle trouve toute sa pertinence comme dispositif de politisation de la vie collective. Prenant au mot le discours sur la fracture, le format Convention invite à tester ce qui fait commun.
A quoi pourrait ressembler une Convention Citoyenne locale ?
Au niveau local, le premier enjeu consiste à mettre en débat (et appliquer) les mesures proposées par la Convention Citoyenne pour le Climat, comme plusieurs maires s’y sont engagés. La création de Convention Citoyenne territoriale pourrait aussi permettre de franchir une nouvelle étape dans les pratiques de démocratie participative à l’échelle locale. Elle va au-delà du format de la consultation (via les enquête publique) ou de la boite à idées (via les budgets participatifs) pour inviter les citoyens à se prononcer sur la priorisation de l’action publique et son caractère contraignant. Dans un contexte post-Covid, on pourrait imaginer réunir une convention citoyenne pour définir la bonne affectation d’une enveloppe financière dédiée à la transition écologique et sociale… ou au plan de relance porté par la collectivité.
Au niveau local comme au niveau national, la Convention citoyenne nécessite de bien articuler démocratie participative et démocratie représentative. Les citoyens tirés au sort ne sont pas un comité d’experts consultatif, mais ils n’ont pas vocation non plus à remplacer les élus. Ces derniers s’engagent à se saisir des témoignages et des propositions formulés par les citoyens pour définir ce qui doit être soumis à arbitrage. Plusieurs collectivités ont déjà impulsé ce processus, souvent en lien avec les conseils de développement, pour mettre en débat localement les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat qui relève du champ d’intervention des collectivités.
C’est dans les territoires les plus hétérogènes que la déclinaison locale de la Convention Citoyenne prend le plus de sens. Elle aurait peu d’utilité dans des petites communes où tout le monde se connaît. Dans les grandes métropoles, elle permet à l’inverse de prendre conscience que les citoyens qui cohabitent sur un même territoire vivent en réalité des quotidiens très différents. En partant de cet accent sur l’expérience vécue, on pourrait ainsi imaginer une Convention locale sur la place de la voiture ou sur la densification.
Le rôle des élus locaux dans tout ça ?
Les élus locaux interviennent en amont de la convention citoyenne pour en définir la question de départ, et en aval pour choisir le mode d’adoption (ou de rejet) des mesures proposées par la Convention. Dans l’entre-deux, les élus doivent accepter de lâcher prise sur la nature des échanges, quitte à voir le dispositif leur échapper. En ce sens, chaque Convention constitue une prise de risque. Annoncer son lancement, c’est accepter de faire un saut dans l’inconnu.
Quatre conditions de réussite
Bien définir la lettre de commande adressée à la Convention.
Il s’agit à la fois de délimiter le sujet à mettre en discussion et de s’assurer que la collectivité dispose des marges de manœuvres suffisantes pour mettre en œuvre les mesures proposées.
Garantir la représentativité sociologique et géographique de l’assemblée.
C’est la condition sine qua non de sa légitimité. Une Convention basée sur le volontariat perd tout son intérêt, car elle risque de reproduire les biais de représentativité qu’elle est censée dépasser.
Valoriser les controverses et les témoignages.
Au-delà des mesures proposées, chaque Convention vaut aussi pour les débats qu’elle suscite, pour le récit sur l’expérience vécue des politiques publiques, et pour la définition de ce qui est considéré comme juste et pertinent. Pour les élus et les services, il s’agit donc de se placer en position d’écoute et pas uniquement comme destinataire d’un énième rapport.
Ouvrir les débats sur l’extérieur.
Face à des arbitrages politiques qui ressemblent souvent à une boite noire, la Convention garantit la transparence des débats. Il s’agit en cela d’une expérience démocratique, qui montre que la recherche de l’intérêt général s’effectue toujours à tâtons. Cela suppose d’abord que les débats de la Convention soient aussi repris à l’extérieur : comme pour la COP, il faut un in et un off. Pour que la discussion soit élargie, cela nécessite aussi de soumettre au vote les propositions formulées, soit avec les élus du territoire (en conseil municipal ou communautaire), soit avec l’ensemble des citoyens via un référendum local.
Sommaire du panorama
Introduction : quels outils pour amplifier la transition dans les territoires ?
Un GIEC local pour donner de la voix aux projections des scientifiques
Une COP territoriale pour s’engager sur une feuille de route commune mais différenciée
Un Grenelle territorial pour trouver un terrain d’entente et définir des engagements réciproques
Des Etats Généraux pour croiser les mondes et faire émerger de nouveaux sujets à l’agenda